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Les expositions du moment à ne pas rater.

Velvet Underground

Cinquante ans après la sortie du premier album du Velvet Underground – sur la pochette duquel on pouvait voir une banane dessinée par Andy Warhol – la Philarmonie de Paris retrace la genèse du célèbre groupe des années 1970. Au travers de l'exposition 'Velvet Underground', la première produite par la Philharmonie de Paris, elle refait le portrait d’un des combos les plus obscurs mais aussi les plus influents de l'histoire du rock. Lou Reed et sa bande ayant en effet inspiré Iggy Pop, David Bowie et bien d’autres.

L’exposition ‘The Velvet Underground’, sous-titrée ‘New York Extravaganza’, se découpe en un parcours de six étapes chronologiques et complémentaires. Du contexte culturel de l’Amérique des années d’après-guerre, qui voit l’émergence du mouvement Beat Generation, à l’écho laissé en héritage par les Velvet au terme de leur (courte) carrière, en passant par la jeunesse de ses leaders, Lou Reed et John Cale, ainsi que l’ère Factory avec Andy Warhol, la Philharmonie offre un panorama aussi large qu’objectif pour appréhender les racines et l’expansion du groupe dans son entièreté.

En somme, on ressort de l’exposition ‘The Velvet Underground’ incollable sur le sujet, mais surtout avec l’envie irrésistible d’écouter "Heroin" ou encore "Venus in furs". Et cela tombe bien puisque, en marge de cette rétrospective inédite, de nombreuses activités sont organisées. Notamment plusieurs concerts avec John Cale et Rodolphe Burger en têtes d’affiche, de même que des ciné-rencontres, des conférences et des ateliers de pratique musicale pour se sentir l’âme d’un rocker de Big Apple. Mais, attention, interdit de casser les guitares !

Araki

Nobuyoshi Araki est un boulimique de la photographie. Il immortalise tout, tout le temps. L’appareil devient presque une partie de son corps, un prolongement naturel de sa main. Photographier, c’est « avant tout une façon d’exister », résume ce Japonais de 76 ans. En s’engouffrant au musée Guimet, dans la rétrospective de quatre cents images qui lui est consacrée, on croirait presque pénétrer dans un journal intime, intense, et feuilleter les pages de son récit autofictionnel. On y côtoie l’amour et le désir, celui pour son épouse Yoko, représentée dans toutes les positions, et la mort, avec les tristes funérailles de cette même femme. Aussi, des scènes de la vie quotidienne, dans le métro ou chez lui, s’ajoutent au parcours thématique.

Mais Araki est surtout connu pour ses formidables photos du kinbaku, bondage nippon, où les femmes, nues, suspendues aux plafonds, sont attachées par des cordes, jambes souvent écartées. Une tonalité érotique qu’on retrouve tout au long de l’expo, avec les clichés de fleurs aux cadrages serrés notamment, dont le parallèle avec le sexe est criant. Il n’y a qu’à voir celle ouverte sur son pistil pour s’en convaincre. Mais cet érotisme est intimement lié à de la poésie voire parfois à l’onirisme - preuve avec la magnifique série où Araki peint sur ses propres photos. Enfin, quel plaisir que celui de profiter des archives, de ses livres et de son studio, reconstitué. Une occasion de (re)découvrir le génie de cet artiste. Et de profiter de l’une des rétrospectives les plus excitantes de ce début d’année.

Seydou Keïta

En se baladant au Grand Palais, dans l’exposition consacrée au maître de la photographie africaine Seydou Keïta, on croirait presque distinguer sa voix. Peut-être est-ce juste l’écho sonore du documentaire vidéo, logé au fond du musée, qui nous relate le mode opératoire du portraitiste ? Ou simplement les directives de l’artiste qu’on imagine si aisément, tant il semble parfaitement guider ses modèles ? « Croise tes bras. Lève la tête. » Chez Keïta, chaque détail compte, chaque regard, chaque geste, chaque posture. Pour s’en convaincre, il suffit d’admirer cette vieille dame en tenue traditionnelle africaine, allongée telle une sirène, deux doigts venant gracieusement soutenir sa tête. Si les poses semblent naturelles, ce sont en effet elles qui esquissent le mouvement d’ensemble. Sa virtuosité couplée à la précision du cadrage, à sa sensibilité et à la beauté esthétique des clichés, en noir et blanc, en fait un grand artiste.

Pourtant, rien ne prédestinait Seydou Keïta à un tel avenir. Né en 1921 à Bamako, il sèche les bancs de l'école à 7 ans pour suivre une formation de menuiserie auprès de son père et de son oncle. Un jour, ce dernier lui offre un mini Kodak Brownie Flash. La suite, on la connaît : l’autodidacte lance son studio en 1948 et voit défiler des milliers de têtes devant son objectif. « Le tout-Bamako venait se faire photographier chez moi : des fonctionnaires, des commerçants, des politiciens. » Avec chacun d’eux, il est habité par la même préoccupation, celle de les rendre les plus beaux possibles. La rétrospective de trois cents images datant de 1948 à 1962, en 13 x 18 pour la plupart, nous donne une part de réponse. Avec ses photographies en une prise, en lumière naturelle, Seydou Keïta offre un barnum d’accessoires à ses sujets, des clients avant tout. Chapeaux, costumes, lunettes de soleil, scooter ou voitures habitent la mise en scène alors qu’un tissu décoratif esthétise l’arrière-plan. Surtout, Keïta abandonne la pose colonialiste de l’époque, frontale, pour proposer des portraits pris de trois-quarts, visant à sublimer les gens.

Malgré une scénographie a minima, la diversité se limitant principalement à une variation du format des photos, l’exposition et son parcours chronologique nous révèlent beaucoup sur la mémoire de l’époque africaine et l’identité du continent. Au-delà de sa flagrante modernité, Seydou Keïta s’inscrit donc dans la dimension universelle des portraitistes les plus historiques. Alors nulle excuse pour ne pas se plonger dans ses œuvres, criantes de vivacité.

Paul Klee : L'Ironie à l'oeuvre

Quarante ans de carrière, autant de styles différents déployés comme des révérences amusées aux courants artistiques de son temps. Ni cubiste, ni constructiviste, ni surréaliste, Paul Klee (1879-1940) dialogue avec la palette vibrante du peintre français Robert Delaunay comme avec la stricte géométrie du Bauhaus, guidé par une quête inlassable d’équilibre entre forme et couleur. Le prix de cette quête : une constante mise en doute du travail de ses contemporains comme de ses propres élans. Première rétrospective française de l’artiste allemand depuis 1969, l’exposition présentée au Centre Pompidou prend pour thème cette éternelle distance doucement moqueuse, ce réflexe ironique qui fait de Paul Klee l’un des artistes les plus fascinants du XXe siècle.

Tout commence par le choc de la rencontre avec Rome en 1902. Face aux splendeurs de la Ville éternelle, le jeune dessinateur craint d’être condamné à ne pouvoir qu’imiter les perfections antiques. De là naît l’élan d’un contrepied sans retour – Klee choisit la caricature, où sa main assurée fait bientôt merveille. Une gravure de 1903 montre ainsi deux personnages nus s’inclinant l’un devant l’autre, jambes arquées, torses difformes, visages grimaçants : l’un serait l’empereur Guillaume II, l’autre François-Joseph d’Autriche. Quelques pas plus loin dans les salles du musée se tiennent des marionnettes grotesques représentant un Poète couronné, un Nationaliste allemand, ainsi que la Mort (dont le visage pâle aux yeux vides pourrait bien avoir inspiré le Monsieur Jack de Tim Burton).  

La moquerie franche s’arrête pourtant là. La suite de l’exposition présente un univers tour à tour fantaisiste, burlesque, géométrique, musical, où l’adoption distancée de nombreuses techniques remplace la satire juvénile. Un voyage en Tunisie provoque la rencontre avec la couleur : des touches de tons pastels délicatement posées à l’aquarelle figurent un paysage tunisien postimpressionniste ('Saint-Germain', 1914). De brusques éclats de couleurs vives composent un 'Gothique joyeux' inspiré de Delaunay. Un forgeron déstructuré d’inspiration cubiste pose en ton pâle sur fond ocre ('KN le forgeron', 1922). L’école constructiviste du Bauhaus, où Klee enseigne la composition pendant plusieurs années, engendre des peintures toutes en angles droits : 'Harmonie de la flore nordique' (1927) montre une composition de carrés colorés où la moindre teinte prend une place précise dans la structure totale. Merveilleux ensemble où chaque toile révèle une nouvelle facette d’un diamant taillé à l’infini.

Le pas est franchi, la satire s’est changée en cette « ironie romantique » inspirée du poète Schlegel. C’est à dire une forme de liberté par laquelle il cherche à s’élever contre la pratique courante, pour s’auto-affirmer paradoxalement dans une inlassable destruction des croyances, y compris les siennes propres. Paul Klee regarde, absorbe, transforme, marquant de sa propre patte sans s’arrêter dans aucune école, cherchant toujours, selon ses propres mots, « la faille dans le système ».

Comme chez Matisse ou Braque, la vieillesse et la maladie le mènent doucement à l’essentiel. Son œuvre culmine en une pureté presque primitive des lignes et des couleurs  – dont lui-même dit pourtant qu’elles constituent « la forme la plus simple », c’est-à-dire l’opposé de primitif. Quarante ans de travail dialectique à travers reliefs et couleurs ont ainsi été nécessaires pour obtenir la puissance de 'Insula dulcamara' (1938), ou « Ile douce-amère » : un paysage de courbes noires figurant un homme aux prises avec son destin figuré par un serpent. Sur fond rose tendre. Ironie toujours.

Transhumance, Design for Peace

Le quartier de Arts et Métiers n'a jamais aussi bien porté son nom qu'aujourd'hui. Vivier de créateurs, d'artisans et d'artistes, les quelques rues étroites entre République et Rambuteau regorgent de galeries où le geste artisanal se marie à la touche créatrice. Made In Town est l'une d'elles. Carré lumineux aux grandes fenêtres ouvertes sur la vie de la rue de Vertbois et à la mezzanine japonaise, elle accueille en ce moment le projet de Nathalie Jacquault, 'Design For Peace', qui, comme son nom l'indique, œuvre à la réconciliation des peuples grâce au design.

Tout commence à l'été 2015, lorsqu’Afrika Tiss, en collaboration avec l'UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés), décide de lancer un programme destiné à aider les réfugiés maliens au Burkina Faso. Nathalie Jacquault propose alors d'utiliser le design pour rassembler. Durant cinquante jours, artisans réfugiés et jeunes designers parisiens créent ensemble des objets issus de la culture nomade du peuple touareg et de leur histoire de déplacés : bijoux, lampes, plateaux à thé, calebasses, sacs... S'inspirant des paysages que ces peuples traversent, les productions rappellent tantôt le désert – terre sableuse de traces et de repères – tantôt les chameaux – chargés de leur existence sans cesse en mouvement – tantôt les oasis, – havre de paix où le repos s'accompagne de l'attente, du thé et de la conversation.

‘Transhumance’, la première collection de Design For Peace, s’avère donc belle, sobre, élégante et remplie de récits nomades. Entre voyage et exil, elle nous transporte dans la complexité de ces déplacements, au cœur du paysage poétique mais brutal de ces espaces déchirés. Le regard inventif, plein de vigueur et de désir d'expérimentation des ces jeunes designers apporte une fantaisie ingénieuse permettant aux artisans réfugiés de transformer leur quotidien en se le réappropriant. Ainsi, leur savoir-faire est valorisé par l'apport sophistiqué du design. Sac à franges du plus grand chic, plateau de bronze et cuir, lampe torche épurée à la fibre naturelle… L’alliage de ces deux simplicités (matière et design) rend ainsi cette collection passionnante. Et la beauté qu’engendre la rencontre de ces deux univers donne envie de porter ces bijoux, d'allumer ces lampes et de boire dans ces calebasses. Parce qu'elles ont été fabriquées avec patience, investissement, ruse et débrouillardise, les pièces présentées ont ce charme du prototype, de la pièce unique, de l'effort accumulé. 

Les fruits de cette exposition, deuxième étape du projet après la longue résidence à Ouagadougou, ne demandent maintenant qu'à se diffuser, à venir habiter nos intérieurs et nous tenir compagnie. Leur dimension sociale et solidaire n’en sera alors que renforcée puisque les premiers artisans créateurs deviendront ensuite formateurs d'autres artisans africains. Véritable union des savoirs, Design For Peace bâtit une autre façon de faire, basée sur des gestes simples, un dialogue multiculturel et une transmission au-delà des frontières.
Rêveur devant ces productions chargées des histoires de mains, de peuples et de savoirs qui s'exposent en toute humilité, on resterait bien à flâner parmi elles encore quelques heures. Alors, en rentrant, on file soutenir le projet sur la plateforme bien connue de crowdfunding KissKissBankBank !

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